Interview de Cyril Petit, leJDD.fr

Entretien exclusif avec Cyril Petit, Directeur adjoint de la rédaction Le Journal du dimanche. Le JDD a lancé sa première lettre d'information électronique en 2019 intitulée "Le Journal de Demain". Décryptage du lancement de cette newsletter hors du commun conçue comme un e-journal à part entière.

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Quelles sont les raisons qui ont poussé le JDD à lancer une lettre électronique ?

Nous avons lancé la newsletter le 20 mai 2019. L’objectif était que la marque JDD, qui est très forte le dimanche avec le journal mais aussi la semaine avec lejdd.fr, ait une édition chaque jour, comme un « quotidien ». L’objectif était de donner un vrai rendez-vous aux lecteurs, avec une newsletter qui se lise comme un journal. Autre objectif : améliorer notre offre numérique pour générer des abonnements.

Quel est le rôle réservé à cette infolettre au sein du dispositif éditorial du JDD ?

Comme nous le faisons chaque dimanche dans le journal, la newsletter nous permet de raconter l’actualité à venir (et non celle passée) avec un temps d’avance. On hiérarchise, on fait des choix. C’est un complément indispensable à nos autres supports. Elle est réalisée par l’ensemble de la rédaction ; il n’y a pas d’équipe dédiée et chacun y contribue, soit comme rédacteur, soit comme éditeur.

L'absence de liens (pour « lire la suite ») dans la newsletter participe donc de cet esprit "journal", mais ce faisant vous ne pouvez savoir quel contenu est le plus cliqué, et il y a là un potentiel de trafic inexploité…

C’est volontaire. Nous la concevons comme un journal, avec un début, une fin, une hiérarchie. Elle n’est pas un aspirateur à clics pour le web mais bien une édition à part entière. En effet, nous ne savons pas quels sont les articles les plus lus. Mais encore une fois, nous incitons les lecteurs à se comporter comme avec un journal. Nous ne cherchons pas l’audience à tout prix, simplement le confort de la lecture en intégralité via le canal e-mail.

L’inscription est actuellement gratuite mais il est indiqué qu’il s’agit d’une offre exclusive limitée dans le temps, est-ce que vous pouvez en dire plus ?

Courant janvier 2020, le Journal de Demain intégrera l’abonnement numérique complet du JDD, qui comprendra donc le Journal du Dimanche en PDF dès le samedi soir 23h45, le Journal de Demain chaque jour, l’accès illimité aux articles du jdd.fr et d’autres newsletters actuellement en préparation et tournées vers les loisirs. Il y aura une version très allégée du Journal de Demain pour les non abonnés (avec une ou deux entrées). Le tarif si situera entre 5 et 10 euros (à définir).

Comment la newsletter JDD a-t-elle été conçue ?

Tout a été réalisé en interne avec un copilotage direction des technologies/rédaction. Nous avons travaillé sous méthode agile, y compris la réalisation quotidienne avec des chefs d’éditions tournants chaque jour au sein de toute la rédaction. Les équipes tech, marketing numérique et celles rédactionnelles ont travaillé main dans la main et le projet a vu le jour en quelques semaines.

La newsletter a-t-elle bénéficiée d’un travail spécifique UI/UX pour l’affichage optimal dans toutes les messageries ?

Nous avons tout designé en priorité pour le smartphone et avons testé plusieurs messageries, principalement les plus grosses.

J’observe que l’objet et le preheader de chaque newsletter sont très soignés, y a-t-il eu une sensibilisation en amont du lancement ? Qui décide ?

Oui nous travaillons beaucoup sur l’objet de l’e-mail et le préheader. Proposition du chef d’édition qui pilote la newsletter du jour et validation par le super chef d’édition qui est au-dessus. On a beaucoup hésité entre du très informatif et du très incitatif et on se rend compte (et nos lecteurs nous demandent) un juste milieu : ni trop elliptique, ni trop complet.

Quelles ont été les principales difficultés au cours de l’élaboration de cette infolettre ?

Il a fallu trouver un ton pour ne pas faire une énième cyberlettre, attrape-clic. Nous voulions élaborer une vraie promesse éditoriale qui ressemble au JDD. La difficulté a été d’ajouter cette mission quotidienne d’écriture, d’édition et d’envoi de la newsletter pour une rédaction qui travaille déjà beaucoup. Mais tout le monde a saisi les enjeux : si chacun s’y met, cela répartit parfaitement le travail et ne constitue pas une charge insurmontable. Nous avons voulu casser les codes et la hiérarchie sur ce support, car parfois les chefs d’éditions du jour deviennent les chefs de personnes qui, d’ordinaire, sont leurs chefs.

Combien aviez-vous d’abonnés pour le lancement et quelle stratégie avez-vous suivi pour développer votre liste e-mail ?

Nous avons démarré avec 3 000 abonnés ; nous sommes à 82 000. Le listing a été constitué via des partenariats sur des événements (par exemple les participants au marathon de Paris recevaient le journal du jour de leur exploit en s’inscrivant à l’avance à la newsletter), par de la communication classique (insertion dans le journal), par des articles et posts sur les réseaux sociaux. Mais surtout par le fait que l’inscription à la newsletter permettait de débloquer les articles payants du site !

Quel était votre objectif concernant le nombre d’abonnés et quel est votre objectif dans l’avenir ?

L’objectif était de 50 000 à Noël, il est donc atteint. L’objectif sera désormais de convertir des milliers de lecteurs gratuits à notre offre numérique payante globale.

Quel est votre solution de routage ? Cela prend-il beaucoup de temps ?

Cheetah Digital, c’est très rapide, quelques minutes chaque soir.

Quel est le taux d’ouverture moyen ?

Environ 30%.

Du fait que le système d’inscription est direct, sans demande de confirmation, observez-vous un taux de désabonnement important, ou des problèmes de délivrabilité (bounce) ?

Nous avons très peu de désabonnements, autour de 4%.

Quel bilan faites-vous ?

Nous sommes très satisfaits et ce pour trois raisons :

1. Le nombre d’abonnés ne cesse d’augmenter, les taux d’ouverture ne baissent pas et les retours des lecteurs sont excellents. La note moyenne obtenue dans notre formulaire de vote est de 4,5 sur 5. Les lecteurs ont bien compris la promesse éditoriale du Journal de Demain et sont devenus accros. Reste désormais à tester le modèle en version payante, ce qui sera bientôt le cas.

2. Notre trafic web n’a ni baissé ni augmenté du fait de la newsletter : il est en hausse constante depuis trois ans. Mais la newsletter nous aide à redéfinir la ligne éditoriale du jdd.fr qui, comme le journal le fait déjà, va se tourner sur 3 objectifs principaux que l’on a résumé avec le sigle « AES » : Anticiper, Expliquer, Surprendre. C’était la ligne éditoriale du Journal de demain avec par exemple, « Les 5 infos dont vous allez entendre parler « (Anticiper), « L’antisèche » (Expliquer), le « Ça nous réjouit » ou « Les séries – quizz, BD, recette » (Surprendre).

3. Nos contacts ont bien compris l’intérêt de la newsletter du JDD : ils nous font suivre des infos qui vont parfaitement dans la newsletter, y compris en avant-première. De même, le marché publicitaire a bien compris l’intérêt qualitatif de la newsletter. Nous sommes interrogés sur des campagnes et avons déjà accueilli une publicité.

Est-ce qu’on peut parler d’une "révolution" pour le JDD en interne et d’un accomplissement en termes de transition numérique ?

Cette newsletter a en effet contribué à casser quelques codes en interne dans notre façon de travailler en méthode agile, hors des rubriques classiques et de la hiérarchie. Toute la rédaction joue le jeu. C’est en tout cas un élément fort de cette transition numérique, qui nous permet de ne pas tomber dans la logique du flux (que nous rejetons depuis plusieurs années au jdd.fr en assumant de ne pas parler de tout constamment si on n’a pas d’infos supplémentaires à apporter, ou d’angle nouveau, ou de format innovant ; ainsi nous ne reprenons pas de dépêches AFP telles quelles). On fait désormais un journal destiné à être imprimé chaque semaine (mais qui se vend aussi en PDF), un journal quotidien et un site web qui assume ses choix, guidés par la ligne éditoriale précédemment évoquée : Anticiper, Expliquer, Surprendre.

Y a-t-il de nouvelles pistes de réflexion et des évolutions déjà en tête ?

Nous lancerons d’autres newsletters dans les prochains mois et lejdd.fr va encore davantage jouer l’anticipation. Cela ne sert à rien de publier la même chose que tous les autres. Nous allons aussi faire des développements pour accélérer sur la partie abonnement numérique.

La newsletter comporte un questionnaire, quels enseignements en tirez-vous ?

Nous avons 1 600 retours, avec des enseignements intéressants :

• La newsletter est très bien notée, environ 4,5 de moyenne. Très peu de 3, encore moins de 2 ou de 1. 96% recommanderaient le JDDemain à leurs proches. 75% le lisent tous les jours ; 10% deux à trois fois par semaine. Bonne fidélisation donc.

• Sans surprise la rubrique préférée des lecteurs sont les 5 infos, de loin. Complètent le Top 5, le Ça nous réjouit, l’antisèche, le bon conseil langue française du jeudi et l’info dont vous n’entendez plus parler le mercredi.

• La newsletter est jugée à la bonne taille (88 %), ni trop longue ni trop courte, ce qui nous a rassuré car parfois on avait peur de faire long.

• Environ 63 % passent de 1 à 5 minutes pour la lire, 32 % plus de 5 minutes.

• 45 % se disent prêts à payer pour une offre numérique complète, en fonction du prix. Autres remarques : certains en veulent une aussi le dimanche ou encore la voudraient plus tôt (on y réfléchit). Les commentaires qualitatifs sont très élogieux.

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